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5 avril 2022

Les brevets dans l’industrie textile : quelles opportunités pour les entreprises ?

Le brevet est un instrument fondamental de développement de l’industrie et de stimulation de l’innovation par un effet de régulation de la concurrence sur le marché. Ce titre de propriété industrielle permet au titulaire d’exploiter les bénéfices découlant des efforts de recherche et développement - qu’il a menés ou dont l’usage est concédé par un tiers - dans l’optique d’obtenir une solution nouvelle à un problème technique, avec une application industrielle.

Différentes options de dépôt existent en Europe, le brevet unitaire étant sur le point d’entrer en application.

Pour plus d’information sur les brevets 

Union européenne : une harmonisation en cours

Aujourd’hui, pour faciliter une harmonisation majeure des brevets et encourager les industriels à développer des inventions, il est possible d’opter pour le brevet unitaire, selon le Règlement de l’Union européenne 2013C/175/01 signé le 19/02/2013, ratifié par la plupart des pays et dernièrement par l’Allemagne. Ce système devrait finalement entrer en vigueur à la fin de l’année 2022 ou début 2023. Il s’agit d’un titre unique, qui sera valable dans tous les pays de l’Europe ayant ratifié cet accord. 
Le brevet unitaire s’ajoute aux autres titres, en particulier au brevet européen, qui reste valable tout comme le brevet national. Le brevet unitaire permettra d'obtenir une protection dans tous les États-membres de l'UE par le biais du dépôt d'une seule demande auprès de l'OEB (Office européen des brevets), à la différence du brevet européen qui consiste en un faisceau de brevets nationaux, une demande devant être déposée et validée dans chaque pays d’intérêt.

Le brevet européen, à l’heure actuelle, peut être validé dans les 27 Etats-membres de l’Union européenne et dans 10 Etats supplémentaires, parmi lesquels la Norvège, la Suisse et la Turquie qui ont signé la Convention sur le Brevet Européen, tandis que le brevet unitaire sera immédiatement valable, sans nécessité de validation, dans les 25 pays de l’Union européenne ayant à ce jour ratifié son application.

Avec l’entrée en vigueur du brevet unitaire et la mise en fonction du Tribunal Unifié, cet organisme aura compétence et juridiction exclusive pour toutes les actions en matière de validité et de contrefaçon des brevets unitaires et européens.

Les décisions du Tribunal Unique auront un effet automatique dans tous les pays adhérents au système du brevet unitaire, soit pour les actions en urgence, d’interdiction, que pour celles sur le fond, comprenant par exemple la requête des dommages-intérêts.

En cas d’action pour invalidité du brevet unitaire devant le Tribunal Unifié du Brevet et confirmée par ce dernier, celle-ci sera valable dans tous les pays, tandis que si le titulaire du brevet ne choisit pas la compétence du Tribunal Unifié, la décision d’invalidité ne s'appliquera que dans le pays où l’action est menée (par exemple, une action de contrefaçon de brevet, dans le cadre de laquelle la partie défenderesse aurait demandé, à titre de défense, la nullité du brevet invoqué).

Aujourd’hui, avec toutes ces possibilités de protéger le brevet, ce titre de propriété intellectuelle devient un instrument primordial pour les industries, notamment textiles, afin d’assurer l’innovation et la compétition sur le marché, qui est de plus en plus européen et élargi, où l’on peut aussi faire valoir un titre unique harmonisé, choisissant de saisir le Tribunal Unifié, ou bien les Tribunaux des Etats-membres, selon les circonstances concrètes du cas. 

Le brevet dans le domaine textile

Le brevet peut concerner une invention de produit ou de procédure, notamment, pour protéger une nouvelle technique, pour fabriquer certains produits ou fournir certains services. 
Dans le domaine textile, l’utilisation de capteurs dans le tissu ou dans les vêtements pour distinguer les particularités du tissu, ou identifier des paramètres biologiques, comme le niveau de tension et/ou de stress des sujets qui portent ce type de tissu, peuvent être cités en exemple.
Les machines de fabrication textile innovantes peuvent être brevetées ; ce fut le cas par exemple de machines qui tissent des fils de couleurs différentes en même temps, ou bien, qui travaillent avec des fils entrelacés, avec la possibilité de sélectionner une couleur préférée.
L’invention de tissus innovants, à partir de matières premières, comme par exemple le graphène qui constitue une alternative à la soie dont il partage la souplesse tout en étant résistant au feu et imperméable.
L’exploitation des nanotechnologies est en fort développement dans l’industrie textile, car elles permettent de réaliser des tissus intelligents à partir de fibres textiles digitales qui incorporent un réseau neuronal ; le tissu peut ainsi s’éclairer et changer de couleur selon l'environnement, et alerter des risques environnementaux ou encore mesurer la température de l’utilisateur.

L’activité inventive, condition essentielle d’obtention d’un brevet

Pour obtenir un brevet, il faut que la condition de la nouveauté soit satisfaite. Pour cela, le brevet ne doit pas découler de manière évidente de l’état de l’art ou de la technique antérieurs et il doit faire preuve d’activité inventive, l’invention constituant un véritable développement par rapport à la technique connue, reconnu inventif par un expert du secteur.

Fonctionnement du brevet

Le brevet peut être directement utilisé par la société propriétaire, ou exploité à travers des licences exclusives ou non-exclusives.
Dans certains pays, il peut être opportun d’octroyer des licences à des partenaires qui connaissent mieux le marché local et les règles en vigueur. Par exemple en Chine, au Japon et dans les pays du Moyen-Orient, les règles spécifiques locales nécessitent d’une attention particulière, et le titulaire, fort de son brevet, peut obtenir un profit majeur en le concédant en licence, avec une rémunération, qui consisterait dans l’application d’un taux de redevance adéquat, selon le niveau d’innovation apporté par ledit brevet.
Le brevet, une fois concédé au niveau national, mais aussi au niveau européen, ou à international, permet au titulaire de jouir des droits exclusifs afférents et d’empêcher tout tiers de l’utiliser, directement ou indirectement, et par là même toute fourniture de moyens essentiels pour réaliser l’objet de l’invention.
Les règles d’obtention d’un brevet peuvent différer selon les pays, mais dans tous les pays européens deux points sont indispensables : la nouveauté du titre et l’activité inventive (décrite précédemment). 

Risques de pré-divulgation invalidant un brevet

Au cours de la procédure d’obtention d’un titre de brevet, il est fondamental de prêter attention à ne pas divulguer l’objet de l’invention avant son enregistrement, notamment à ne faut pas donner accès au public à l’objet de l’invention, avant son dépôt.

Pour qu’il y ait pré-divulgation, selon la jurisprudence établie en Italie, l’invention doit être divulguée dans son intégralité, car si l’on ne peut pas réaliser l’invention, alors l’on ne peut pas considérer qu’il y ait eu une véritable pré-divulgation (voir à ce propos, Cour d’Appel de Turin du 27.3.2012). Notamment, pour qu’il y ait pré-divulgation d’un brevet il faut que le public puisse avoir une connaissance effective des éléments essentiels de l’invention (sur ce point, voir Cour de Cassation du 27/12/2019, n. 34537).

Pour éviter toute pré-divulgation qui puisse affecter la validité du brevet, si l’on décrit l’objet d’un brevet pendant une conférence scientifique, il est fort conseillé de signer un accord de confidentialité, avant toute révélation du contenu du titre (sur ce point OEB, T877/90). 

Pour éviter la nullité du brevet en raison de sa pré-divulgation, il ne faut donc pas dévoiler l’objet de l’invention à l’oral, ou à l’écrit à un public spécialisé en mesure de réaliser le brevet avant le dépôt de ce dernier; par exemple, il faut éviter toute publication d’articles scientifiques sur l’objet de l’invention et encore plus, toute révélation de l’objet du brevet, ou bien, la publication de posts ou d’autres nouvelles sur Internet, ou lorsque l’on présente le nouveau produit à la force de vente ou à des agents commerciaux, etc… La divulgation du brevet sur Internet suit des règles plus strictes, car il faut que les documents et/ou les informations techniques soient directement accessibles et puissent être consultées pour une période de temps suffisant, demeurant visibles sur le même « url » (voir OEB/T.1553/06 et Tribunal de Milan, 8/4/2015).

Contact : Paola Gelato - Avocat au Barreau de Turin 

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